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sans la pratiquer, et que l'étude du raisonnement ne va pas sans le besoin d'en montrer les ressources, d'en
essayer les procédés, d'en éprouver les forces[5]. On apprenait, sous le nom de cet art, une grande partie de ce
que contient la Logique d'Aristote, que l'on connaissait par des traductions incomplètes et surtout par
l'intermédiaire de Porphyre et de Boèce. L'introduction que le premier a jointe aux catégories, c'est-à-dire
aux prolégomènes de la Logique, faisait corps avec elle; on n'en séparait pas les versions et les commentaires
du second. Ainsi l'on ne savait la dialectique qu'à la condition d'avoir appris tout ce qui regarde les cinq voix
ou les rapports généraux des idées et des choses entre elles, exprimés par les noms de genre, d'espèce, de
différence, de propriété et d'accident; les catégories ou prédicaments, c'est-à-dire les idées les plus générales
auxquelles puisse être ramené tout ce que nous savons ou pensons des choses; la théorie de la proposition ou
les principes universels du langage; le raisonnement et la démonstration, ou la théorie et les formes du
syllogisme; les règles de la division et de la définition; la science enfin de la discussion et de la réfutation, ou
la connaissance du sophisme. En étudiant toutes ces choses, on trouvait, chemin faisant, de nombreuses
questions qui permettaient de joindre l'exemple au précepte; c'étaient des questions d'abord de logique pure,
puis de physique, de métaphysique, de morale, et souvent de théologie. Sur ces questions s'échauffaient les
esprits, s'animaient les passions, et brillaient ceux qui se livraient à l'enseignement et à la dispute; sur ces
questions se partageaient les professeurs, les lettrés, les écoles, et quelquefois l'Église et le public.
[Note 5: On sait que notre faculté des lettres s'appelait autrefois la faculté des arts; d'où le titre de maître ès
arts. Le nom d' artista fut donné dans le XIe siècle aux philosophes, qui à Rome étaient aussi appelés [Grec:
technikoi], quand ils s'adonnaient à l'enseignement et à la controverse. Budaeus, Observ. select. XIV et XVI, t.
VI, p. 121 et 130. Hall., 1702.]
A l'époque où le jeune Pierre se mit à courir le pays pour chercher les aventures philosophiques, un homme
s'était fait dans les écoles une grande renommée. C'était Jean Roscelin, né comme lui en Bretagne, et chanoine
de Compiègne. Ce maître avait trouvé assez répandue cette doctrine, qui n'était pas cependant toujours
explicite, que les noms appelés plus tard abstraits par les grammairiens désignent, pour le plus grand nombre,
des réalités, tout comme les noms des choses individuelles, et que ces réalités, pour être inaccessibles à nos
perceptions immédiates, n'en sont pas moins les objets sérieux et substantiels d'une véritable science. Il
combattit cette idée qu'il contraignit à se développer et à s'éclaircir; et il soutint que tous les noms abstraits,
c'est-à-dire tous les noms des choses qui ne sont pas des substances individuelles, que par conséquent les
noms des espèces et des genres qui n'existent point hors des individus qui les composent, et les noms des
qualités et des parties qui ne peuvent être isolées des sujets ou des touts auxquels on les rattache, les unes sans
disparaître, les autres sans cesser d'être des parties, n'étaient en effet que des noms. Puisqu'ils n'étaient pas les
désignations de réalités distinctes et représentables, ils ne pouvaient être, selon lui, que des produits ou des
éléments du langage, des mots, des sons, des souffles de la voix, flatus vocis. Cette doctrine fut appelée la
doctrine des noms, le système des mots, sententia vocum ; les historiens de la philosophie l'appellent le
LIVRE PREMIER. 13
Abelard, Tome I
nominalisme[6].
[Note 6: Voyez le l. II de cet ouvrage, c. II, VIII, IX et X.]
Cette doctrine illustra son auteur qui ne l'avait pas inventée tout entière, mais qui, la rencontrant en principe
dans Aristote, l'avait, après Raban-Maur et Jean le Sourd, hardiment poussée à ses extrêmes conséquences et
rédigée en termes absolus; mais elle compromit le repos et la sûreté de Roscelin. L'Église s'était alarmée; saint
Anselme, alors abbé du Bec en Normandie, en attendant qu'il succédât à Lanfranc dans l'archevêché de
Cantorbery, et qui jouissait d'un grand crédit comme religieux et d'une grande réputation comme philosophe,
avait combattu le nominalisme, en soutenant à outrance la réalité de ce qu'exprimaient les termes abstraits et
généraux, ou ce qu'on appelle la réalité des universaux. Devançant même cette polémique, un concile tenu à
Soissons, en 1092, avait condamné la doctrine de Roscelin, comme fausse en elle-même, et comme
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