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héros seront des utopies philosophiques ou libérales ; enfin, son style est d'une originalité cherchée, sa
phrase ballonnée tomberait si la critique lui donnait un coup d'épingle. Aussi craint-il énormément les
journaux, comme tous ceux qui ont besoin des gourdes et des bourdes de l'éloge pour se soutenir au-dessus
Etudes de moeurs. 2e livre. Scènes de la vie de province. T. 4. Illusions perdues. 2. Un grand homme de pro
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Illusions perdues. 2. Un grand homme de province à Paris
de l'eau.
- Quel article tu fais, s'écria Lucien.
[Dans le Furne : " et jamais les écrire. ", erreur du typographe.]
- Ceux-là, mon enfant, il faut se les dire et ne jamais les
écrire.
- Tu deviens rédacteur en chef, dit Lucien.
- Où veux-tu que je te jette ? lui demanda Lousteau.
- Chez Coralie.
- Ah ! nous sommes amoureux, dit Lousteau. Quelle faute ! Fais de Coralie ce que je fais de Florine,
une ménagère, mais la liberté sur la montagne !
- Tu ferais damner les saints ! lui dit Lucien en riant.
- On ne damne pas les démons, répondit Lousteau.
Le ton léger, brillant de son nouvel ami, la manière dont il traitait la vie, ses paradoxes mêlés aux
maximes vraies du machiavélisme parisien agissaient sur Lucien à son insu. En théorie, le poète reconnaissait
le danger de ces pensées, et les trouvait utiles à l'application. En arrivant sur le boulevard du Temple, les deux
amis convinrent de se retrouver, entre quatre et cinq heures, au bureau du journal, où sans doute Hector
Merlin viendrait. Lucien était, en effet, saisi par les voluptés de l'amour vrai des courtisanes qui attachent
leurs grappins aux endroits les plus tendres de l'âme en se pliant avec une incroyable souplesse à tous les
désirs, en favorisant les molles habitudes d'où elles tirent leur force. Il avait déjà soif des plaisirs parisiens, il
aimait la vie facile, abondante et magnifique que lui faisait l'actrice chez elle. Il trouva Coralie et Camusot
ivres de joie. Le Gymnase proposait pour Pâques prochain un engagement dont les conditions nettement
formulées, surpassaient les espérances de Coralie.
- Nous vous devons ce triomphe, dit Camusot.
- Oh ! certes, sans lui l'Alcade tombait, s'écria Coralie, il n'y avait pas d'article, et j'étais encore au
boulevard pour six ans.
Elle lui sauta au cou devant Camusot. L'effusion de l'actrice avait je ne sais quoi de moelleux dans sa
rapidité, de suave dans son entraînement : elle aimait ! Comme tous les hommes dans leurs grandes
douleurs, Camusot abaissa ses yeux à terre, et reconnut, le long de la couture des bottes de Lucien, le fil de
couleur employé par les bottiers célèbres et qui se dessinait en jaune foncé sur le noir luisant de la tige. La
couleur originale de ce fil l'avait préoccupé pendant son monologue sur la présence inexplicable d'une paire
de bottes devant la cheminée de Coralie. Il avait lu en lettres noires imprimées sur le cuir blanc et doux de la
doublure l'adresse d'un bottier fameux à cette époque : Gay, rue de La Michodière.
- Monsieur, dit-il à Lucien, vous avez de bien belles bottes.
- Il a tout beau, répondit Coralie.
- Je voudrais bien me fournir chez votre bottier.
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- Oh ! dit Coralie, comme c'est rue des Bourdonnais de demander les adresses des fournisseurs !
Allez-vous porter des bottes de jeune homme ? vous seriez joli garçon. Gardez donc vos bottes à revers, qui
conviennent à un homme établi, qui a femme, enfants et maîtresse.
- Enfin, si monsieur voulait tirer une de ses bottes, il me rendrait un service signalé, dit l'obstiné
Camusot.
- Je ne pourrais la remettre sans crochets, dit Lucien en rougissant.
- Bérénice en ira chercher, ils ne seront pas de trop ici, dit le marchand d'un air horriblement goguenard.
- Papa Camusot, dit Coralie en lui jetant un regard empreint d'un atroce mépris, ayez le courage de votre
lâcheté ! Allons, dites toute votre pensée. Vous trouvez que les boites de monsieur ressemblent aux
miennes ? Je vous défends d'ôter vos bottes, dit-elle à Lucien. Oui, monsieur Camusot, oui, ces bottes sont
absolument les mêmes que celles qui se croisaient les bras devant mon foyer l'autre jour, et monsieur caché
dans mon cabinet de toilette les attendait, il avait passé la nuit ici. Voilà ce que vous pensez, hein ?
Pensez-le, je le veux. C'est la vérité pure. Je vous trompe. Après ? Cela me plaît, à moi !
Elle s'assit sans colère et de l'air le plus dégagé du monde en regardant Camusot et Lucien, qui n'osaient
se regarder.
- Je ne croirai que ce que vous voudrez que je croie, dit Camusot. Ne plaisantez pas, j'ai tort.
- Ou je suis une infâme dévergondée qui dans un moment s'est amourachée de monsieur, ou je suis une
pauvre misérable créature qui a senti pour la première fois le véritable amour après lequel courent toutes les
femmes. Dans les deux cas, il faut me quitter ou me prendre comme je suis, dit-elle en faisant un geste de
souveraine par lequel elle écrasa le négociant.
- Serait-ce vrai ? dit Camusot qui vit à la contenance de Lucien que Coralie ne riait pas et qui mendiait
une tromperie.
- J'aime mademoiselle, dit Lucien.
En entendant ce mot dit d'une voix émue, Coralie sauta au cou de son poète, le pressa dans ses bras et
tourna la tête vers le marchand de soieries en lui montrant l'admirable groupe d'amour qu'elle faisait avec
Lucien.
- Pauvre Musot, reprends tout ce que tu m'as donné, je ne veux rien de toi, j'aime comme une folle cet
enfant-là, non pour son esprit, mais pour sa beauté. Je préfère la misère avec lui, à des millions avec toi.
Camusot tomba sur un fauteuil, se mit la tête dans les mains, et demeura silencieux. [ Pobierz caÅ‚ość w formacie PDF ]

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